C’est une vraie radiographie des 2,3 millionsde smicards, et de la population, pluslarge, des salariés payés au voisinage du smic (un salariésur cinq), que propose le rapport d’expertschargé de donner son avis sur l’évolution du salaireminimum. Ce document, rendu public par le ministèredu Travail, apporte des éléments inédits sur leniveau de vie des salariés faiblement rémunérés etsur leurs trajectoires salariales et professionnelles.Les smicards, qui en 2010 touchaient 1 055 euros netpar mois pour un temps complet, représentent unFrançais sur dix. Ils sont surreprésentés chez les salariésà temps partiel (donc chez les femmes), dansles petites entreprises et dans certains secteurs ducommerce et des services. L’hôtellerie-restaurationreste ainsi la profession qui en emploie le plus, 36 %,et jusqu’à 60 % dans la restauration rapide.Pour une majorité de salariés, être rémunéré au smicest un passage, très souvent lié à une durée d’emploiannuelle ou hebdomadaire insuffisante. Toutefois,une «forte minorité» de salariés payés au voisinagedu smic (de 0,8 à 1,1 Smic) le sont encore trois ansplus tard (44,9 %). Au bout de treize ans, ils sont encore13 % à toucher le smic. «Cette minorité est enmoyenne moins jeune, moins diplômée, plus féminine,employée à temps partiel et travaillant dansde petites entreprises», précise Paul Champsaur, anciendirecteur général de l’Insee, en introduction dutravail des experts.
Les personnes faiblement rémunérées sont exposéesà un risque de chômage plus élevé que lamoyenne. Ce risque s’accroît encorelors qu’elles sont intérimairesou en contrat à duréedéterminée (CDD). A ce niveaude salaires, la politique de redistributionjoue un rôle importantet a un «impact grandissant»,souligne l’étude. «Alors que lesmic mensuel n’a augmenté quede 6 % en valeur réelle (hors inflation)entre 1999 et 2010, notammentdu fait de la baisse de la durée du travail àtemps complet, le revenu disponible des ménagesconcernés, après prise en compte des transferts etdes prélèvements, a progressé de manière beaucoupplus rapide», observent les experts.
«Il a crû de 14 % dans le cas d’une personne seuletravaillant au smic à temps complet, de 38 % pourune personne seule à mi-temps, de 29 % dans le casd’un couple mono actif à temps complet avec deuxenfants», révèlent-ils en insistant sur le poids desaides sociales locales. Qui auraitcru que la redistribution a des effetsaussi puissants ? «Une foispris en compte les prélèvementsfiscaux (…), les prestations familiales,les aides au logementet les minima sociaux, le revenudisponible des salariés au voisinagedu smic atteint 71 % decelui des ménages dans lesquelsvivent les salariés les mieuxpayés [au sein d’un couple mono actif avec deux enfants,ndlr]», détaille le rapport.
Aujourd’hui, lors de la réunion de la Commission nationalede la négociation collective, qui est consultéesur la revalorisation du smic, la teneur de ce rapportdevrait peser lourd dans la décision du ministre duTravail, Xavier Bertrand. Les experts – tous des économistesindépendants – recommandent en effet àl’unanimité de s’en tenir à la revalorisation légale,sans coup de pouce. Pour étayer leur point de vue, ilsmettent en avant trois arguments principaux : lesfortes hausses du smic de 1995 à 2005 ont provoquéun resserrement sensible de la hiérarchie des salairesen bas de l’échelle, ce qui limite les perspectivesd’évolution pour les salariés faiblement rémunéréset réduit l’espace de la négociation collective.«De façon structurelle, ajoutent-ils, il convient d’éviterdes évolutions trop rapides du smic qui, en faisantpeser un risque important sur l’emploi, se retournentcontre ceux que le salaire minimum doit protéger.»«Mieux ciblées», les prestations liées au travail,comme le revenu de solidarité active (RSA), sont«plus efficaces pour lutter contre la pauvreté au travail», pointent-ils. Sauf surprise, 2011 sera la cinquièmeannée consécutive sans coup de pouce. Dansces conditions, le smic devrait augmenter d’environ1,6 % au 1er janvier 2011
Article DirectMatin.